SAISON 1 / EPISODE #2


Le train de croisière le plus prestigieux du Monde et qui stimule toutes les imaginations roule sous régime de Train Spécial, même si on ne peut pas dire qu’il soit à la diète : huit cent tonnes pour cinq cent mètres pour quelques cent passagers.
Il partage se statut avec quelques trains publicitaires ou encore des trains de pèlerins, à la différence qu’on y diffuse pas la messe et que tous les passagers ont garantie d’arriver en vie et à bon port même si c’est une gare.
Bien que flanqué de voitures quasiment centenaires, discrètement modernisées dans les années 80, c’est bien à des problèmes de locomotive et d’infrastructure qu’il a le plus souvent à faire.
Son sillon est si largement détendu pour se glisser entre un tortillard et un TER 200, que sa musique si caractéristique se joue tantôt sur un 33 tours, tantôt sur un 78 et le plus souvent sur un 45.
Cette fois, le Vénérable part de la Sérenissime pour se retrouver à Lens, va comprendre, plus connue pour son Racing Club que sa gare art déco construire pour de coup à la même époque que lui. Créée par Urbain Cassan a qui l’on doit également l’hôtel Bristol histoire de rester entre gens du monde, il finira sans doute sa croisière vers Calais ou il a ses habitudes. Ou peut être que 80 taxis l’y attendent, ça s’est déjà vu.
J’arrive à Bâle avec un peu en retard d’où je dois l’accompagner à Strasbourg, avec une halte assez longue d’une heure à St Louis pourtant a 10 minutes de là, puis une autre de deux heures à Strasbourg ou l’attendent pour veiller au grain une armée de vigiles juste armés de patience.
Il devrait être à quai ce qui augure que la nuit sera longue. On apprend breaking news que le train arrivera, mais on ne sait pas quand.
Prisonnier dans le Piémont à Domodossola a 3H de là, juste à la sortie du tunnel du Simplon. La bourgade est dotée d’une spectaculaire gare semblable à un Palais italien, ces gares ayant été conçues à la grande époque du Chemin de fer et des beaux trains. J’ai une pensée envers mes collègues qui réfutent toujours les innombrables apports de la bourgeoisie…
Des travaux nocturnes programmés côté suisse et côté français conduisent les états majors à devoir aligner leurs positions. Les options se dessinent. Soit le train passe avec 3 heures de retard et les Sangliers orange de l’infrastructure comme on les appelle chez nous, les bouquetins de l’autre coté de la frontière, se mueront en vache le temps de relever la tête sur son passage ; ou soit il est retenu à Bâle pour partir à la première heure avec sa Loc française, puisque le train est habité et doit être maintenu sous tension, quelque soit la nationalité du courant, et pourvu qu’il soit continu.
Cette tension qui est à son comble à Clermont Ferrand ou VSOE est géré, et qui doit réaligner le parcours et la relève du personnel dans le respect du cadre social local. Et là, j’en devine qui regrettent que le train ne passe pas par le Pakistan.
C’est aussi à Clermont qu’est né la Micheline, le trains sur pneus, mais il n’y a aucun lien de causalité entre les deux événements et encore moins entre les deux trains.
Le conducteur et moi nous proposons de découcher tous les deux et se tenir à disposition pour tirer le train et pas la gueule pour l’un, et faire des sourires et des rondes en jambe pour l’autre. Le tout dès l’instant qu’on nous trouve une chambre et si possible un petit dej.
La Commande du personnel est mise dans la boucle à l’instant pour participer au Tetris de cette équation à plusieurs inconnus, par ailleurs tous identifiés.
Réfugié dans à l’hôtel Métropole on attend que le Pole Sud et le Pôle Nord dessinent un méridien qui passerait par Clermont et se mette d’accord, j’occupe mon temps en survolant des programmes télé, qui offrent comme alternative un triste spectacle de frappes aériennes ou Mercotte qui s’enfourne des petits gâteaux, ce qui me conforte définitivement dans mon choix de pas avoir à vieillir avec mes vraies dents.
On finit par apprendre que train ne se glissera pas entre deux excavations creusées dans les deux langues. La Suisse, en bonne spécialiste du gruyère, l’emporte, tandis que la France se contente de faire sa mauvaise, et en mauvais français. On peste de principe que l’edelweiss ne se soit pas laisser bouffer par le coq et le train démarrera ses manœuvres à 5H.
Ça en laisse autant à essayer de dormir.
Les manœuvres commencent dans un élégant balais qui ne casse aucune noisette, réglé d’un cygne comme du papier à musique. Les deux locos suisses font tablette rase, le transbordeur agrippe le train, le ramène côté français, notre BB nationale s’arrime, une 26000 qui en a vu d’autres et sans doutes quelques uns.
Au nez et à la Barbe de voyageurs qui ne s’aperçoivent pas du sombre trafic d’influence qui s’est joué durant leur sommeil, et qui ne nuira en rien aux relations diplomatiques des deux pays et encore moins de l’importation de devise dont celle de la suisse est emprunté à Dumas, Alexandre pas Roland : Un pour Tous et Tous pour un. Dans les faits, Tout ça, Pour ça.
Le bras de fer sans rideau ni mousqueton se termine pour moi à Strasbourg. Le train arrive voie 1 dans toutes sa majesté devant la porte du Kaiser comme pour dire merde au Reich, et au milieu des trains de travailleurs que l’arrivée de la bête sort du somme.
Le personnel s’agite à l’organisation des petits déjeuners et j’assiste au réveil du train pour la première fois. Les petits hommes bleus me saluent tandis que je prends congé.
La descente quoi qu’un peu acrobatique capte tous les regards et il s’agit de pas louper la marche sous les regards convergents des voyageurs. J’ai une pensée pour les Meneuses de revue : tous deux partageons l’art subtil de descendre des escaliers en toute sécurité, la première portant son poids en plumes, le second en manuel techniques et autres VO périssables.
Dans mon uniforme rutilant puisque synthétique et dont les chemises filent comme des collants, je proclame ainsi haut et fort que je fais partie moi aussi de ce showbiz du rail !
J’apprend après cette descente réussie que le train ne desservira finalement pas Paris Est pour ne pas manquer son arrivée à Lens, et tandis qu’on replie le tapis rouge ici, on le déplie la bas dans le Nord, ou les endives s’appellent des chicons et les dents des chicots.
En sortiront sans aucuns doutes quelque élégantes habillées en Dimanche par la grâce d’un chapeau, et qui fatalement redeviendront des working girls fringuées en lundi par la disgrâce d’un coup de vent.
L'Alchimiste