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(RE)POST-IT 

 

Photo du rédacteurPatrice Snoeck

Le barbouze à la Tesla Rouge

Course électrique



La SNCF utilise une société de taxi pour acheminer ses agents auprès de leurs trains, ou les ramener au bercail pourvu qu’ils en aient un, cette résidence sans DJ mais pas dépourvu d’artistes, où fourmillent des agents multimodaux, à savoir sur roues, roulettes, rails ou patins.


Parfois même, elle rapatrie ses propres rescapés pour sauver leur tournée sous les yeux dubitatifs de voyageurs voyant leurs rats quitter leur navire, et sans dégoût, car eux n’ont pas toujours cette commodité et doivent souvent attendre le prochain train, voire le taxi brousse que le service de gestion de crise aura débroussaillé pour éviter un feu de forêt.


Civils et Uniformes n’empruntent pas le même service quand bien même parfois sous-traité à un Uber, ce chauffeur de maître affranchi, qui aurait dû s’appeler Hubert et qui même privé de H ne manque parfois pas de tranchant.

Et de ceux là, un stipendiaire de la course s’est distingué : le Mercenaire au chromosome X et au modèle Y, le barbouze à la Tesla Rouge.

Le SMS sentait bon : je suis votre taxi je vous attend dans une Tesla rouge. C’était pas mon premier barbu aux allures de Kadyrov mais c’était ma première Tesla aux allures de K2000.

L’auto se présente porte passager arrière et coffre ouverts, elle parle d’une voix de barbu et me lance un Touchez à rien c’est automatique. Un vieux réflexe de vouloir fermer le coffre avant de me raviser me vaut un accueil assez glacial. Fallait pas toucher à la YL* … (Young lady = Ma Meuf / terme de cb-iste)

La Tesla est probablement toute neuve pour amuser autant mon barbu ; ils forment ensemble un couple improbable mais très fusionnel car jeunes mariés, qui communique en permanence par tablette comme un couple banal qui échangerait sur le programme télé.

Il dit que ça l’ennuie de me déposer sur un point situé en amont de ma destination, car il a des courses Uber de prévues. Il semble très pressé pour quelqu’un qui lambine sur une nationale. Il doit être recherché pour ne pas emprunter l’autoroute.

J’ose à peine entrouvrir la fenêtre pour me débarrasser de l’odeur du sapin désodorisant, j’ai peur que l’odeur n’imprègne mon uniforme 100% synthétique dans un travail ou les occasions de sentir le sapin ne manquent pourtant pas. Il faut dire que l’interrupteur de la vitre jouxte d’un pouce celui qui ouvre la portière et vu que la voiture s’agite sérieusement ce serait un coup à se le briser côté talus.

Car YL chasse sérieusement du cul. Il faut dire que la nationale est nacrée de rond-points, que la Californienne qui n’a pas l’option massage appréhende difficilement, d’autant que le conducteur a lâché le volant depuis belle lurette et même pas en douce, pour le refiler à la belle rouge en mode auto qui ne se vexe par pour autant de n'être considérée que comme une voiture.

Il cherche frénétiquement des courses Uber près de la gare, ma destination finale, sans m’adresser un mot ni imaginer que je n’ai pas forcément envie de telle démonstration de technologie, et que me consacrer 20 minutes de sa vie serait une pure politesse alors que lui semble penser que c’est pure perte. Pas d'enjeu vu que cet Uber-là n’est pas noté !

Je comprend qu’il est inutile de demander à être déposé ailleurs que là et je m’emploie moi aussi à chercher un Uber, si bien que voir les deux passagers chacun sur leur portable dans une véhicule qui roule tout droit ressemble à s’y méprendre à un parcours en train.

On finit par me déposer à ma demande sur un parking de station service. Le mercenaire qui fait la tournée des râteliers tente sa chance : je vous ramène chez vous mais il faut payer.

Je prendrai un Uber qui n’a pas de Tesla rouge met un terme à l’inexistante conversation.

Le chauffeur prend étrangement congé en s’extrayant de l’auto à la vitesse de la lumière ce qui m’a un instant laissé penser que les batteries chaufffaient, pour se poster à 20 mètres de là non sans m’avoir rappelé que la voiture se fermerait toute seule.

C'est donc la belle américaine qui prend congé de moi en me refermant délicatement la porte au nez, sous le regard admiratif de son soupirant.


Mon Uber à moi arrive dans une Peugeot loin du standard mais j’aurai pu m’assoir dans un siège bébé s'il avait fallu. Il est conduit par un mec sympa qui a envie de travailler. 15€ les 10 mn même sans compteur.

Morale de l’histoire : le véhicule qui ne veut pas être qu’une voiture mais pas un jouet pour autant ressemble à une ©Majorette grandeur nature qui m’a si peu impressionnée qu’elle m’a valu un lancer de bâton.

Et c’est qu’au prix de l’ardoise Monsieur le Barbouze, on veut pas finir sous du marbre.


L'Alchimiste.







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