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(RE)POST

 

Photo du rédacteurPatrice Snoeck

SACRÉES FAMILLES !

Saison 1 / Épisode #6



Les fêtes nous tournent désormais le dos. Agapes et cadeaux ont apaisés les esprits des trains blindés qui cabotaient d’un marché de Noël à l’autre, c’est donc l’occasion de lâcher les rennes et être cabotin à notre tour, reprendre le chemin de la légèreté en commençant par laisser libre court à sa plume aiguisée.


Une fois décrochées les guirlandes puisqu’on après tout on a pas le droit d’enguirlander, pelons à vif le sujet, les gens, et racontons enfin la vie de ceux qui occupent nos trains, l’occasion de dresser quelques portraits ciselés qui émailleront les prochains épisodes de MVTAT.


Parmi mes voyageurs ce jours là de ce train d’apparence plutôt calme, une mère de famille triphasée mais qui n’a plus de jus, occupe une voiture tout entière avec trois enfants en bas âge dont un relié à la terre, et un nombre incalculable de matériels de transbordement qui ne nécessitera pas la présence d’un RO.

Ce doit être ce qu’on appelle une famille élargie puisque inapte à se recomposer l’espace d’un voyage réduit à 3 arrêts et un risque équivalent d'infanticides.

Le petit dernier qui prend le moins de place quand bien même il est à l’horizontal a un furieux besoin d’être changé car il dégage une odeur de Fleischkiechles qui seraient venues à bout de leur jus de cuisson, ce qui échappe à sa maman plongée dans quelques stories qu’elle scrole tout aussi furieusement, à vous rendre épileptique en plus d’anosmique.


Le reste de la fratrie, à savoir Mario et Sonic se livrent une guerre sans merci dans les allées du Regiolis pour la possession d’un Playmobil Batman qui s’obstine à ne pas voler, et dont l’un des deux finit par avaler la tête, en moins de temps qu’il n’en aurait fallu pour demander l’aide d’Alfred. Comme il n’a rien recraché, et pas davantage étouffé, Dieu fait quelle fève sortira de cette galette puisqu’après tout il est déjà le Roi.


Je me garde bien d’adresser un commentaire de garderie à cette dame qui s’est persuadée que c’est là la vie dont nous rêvons tous, et me contente de faire les Gros Yeux aux deux garnements, ce qui va leur donner l’occasion de détester leur premier uniforme ainsi que leurs premières lunettes.


Ces yeux ronds ensourcillés que pointe vers le ciel une autre passagère témoin de la scène qu’elle toise d’un regard réprobateur, d’autant qu’elle y assiste de la fosse d’orchestre, et à purin.

Je lui adresse un très léger haussement de sourcils comme par compassion, pourvu qu’elle m’épargne des commentaires de maitresse d’école enfin privée de ministre mais pas d’éducation pour autant, et qui cherchera à me dire combien chèrement elle vendra son droit de vote aux prochaines élections.


Comme elle a le regard plus froncé que sa robe à smoks, je préfère poursuivre mon cheminement.


Le carré de 4 sièges se présente en contrebas de l’allée et est toujours une sorte de scène d’impro dont on espère qu’elle ne se transforme pas en scène de crime. On ne sait jamais sur quoi ou qui l’on va tomber, au sens figuré comme au sens propre selon les aléas de la ligne réputée soumise à turbulences. Comme une circonstance aggravante, sur cet engin dont le plancher n’est pas plane, le contrôleur se présente d’en haut et conséquemment, il suffit d’un rien pour qu’on le prenne de bas.


Dans ce premier carré, des dames endimanchées comme un samedi mais sans messe ni regrets conversent à la beauté du paysage et par chance elles n’ont pas l’air d’avoir de petits enfants, ou en tous cas, l’envie d’en parler. Elles sont tout à fait charmantes et d’une élégance à sauver le standing de mon train. Toute sauf une, qui semble contrariée à devoir présenter une carte sénior et dont le port altier et la mine pincée la fait plutôt ressembler une Barbie oubliée sur un radiateur. Ce doit être la seule à qui l’on a peut être demandé de faire du babysitting un peu sur le tard et qui cherche à le faire payer au contrôleur, qui estime avoir déjà donné.


Derrière elles, un homme aux volutes au moins titrées en alcool du nombre de ses années, me présente un billet « animal ». Il n’est pas de mauvaise compagnie mais d’un pédigrée très indéterminé et surtout de fraîcheur toute relative ; mon éducation qui entre souvent en conflit avec ma verve me conduit cependant à m’auto museler.

Il me déclame sans aboyer que c’est sa femme qui lui a pris son billet. Il me vient irrémédiablement à l’esprit qu’elle a du le voir si souvent à quatre pattes qu’elle lui aura joué ce vilain tour, à défaut d’une joyeuse promenade.

Ce périple lui coûtera 100 euros, soit, rapporté au kilomètre parcouru, un tarif digne d’un évitement de Strasbourg par le très controversé GCO.


Les autres voyageurs ont l’air sans histoires mais quelques bons conteurs tentent leur chance à raconter leurs malheurs, et pour une fois les voyageurs qui ont eu le temps de rien l’emportent sur ceux qui ont eu une panne de tout.

Un excellent hâbleur non accompagné donc qui s'écoute forcément parler, sortira du lot de son inextricable bonne Foi, m’expliquant qu’il est victime d’une erreur quasi judiciaire et va de ce pas réclamer dans un guichet qui n’est ni sa gare d’origine ni sa gare de destination, qu’on lui a extorqué un abonnement mensuel qui ne commence pas en milieu de mois.

J’échappe aux deux options qui consistent à le voir jurer et cracher par terre ou s’y confondre en jurons lorsque le train entre en gare où il descendra, drapé de sa bonne Foi mais hélas pas de ma Loi. Je remise ma frustration pour une autre partie.


Le train arrive en gare et ce joyeux Maelström sort du train, avec leurs sacrées histoires de famille ou leur famille tout court, même sur pattes. Mais où est donc passé ma mère de famille ? Elle a disparu des radars, elle devait finalement être très bien organisée.


L'Alchimiste, qui n'a ni descendants ni ascendants et qui se sent lésé sur les FC.

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