Il y a une vie après la mort (sociale) !
Elle porte au cou le Pass SNCF ‘Carmillon1’ qui redonne des couleurs à son détenteur qui avait abandonné ses agrès de sécurité orange fluo contre un jogging taupe ou une combi vert-de gris.
Il rempile papy et sans résistance, il remet le couvert et sort de sa coquille pour bouffer du Corail, Ceux de la haute (vitesse) qui n’ont pas sucé que de la glace durant leur retraite rouleront des ICE2.
La SNCF manque de bras, et on rappelle la Silver Academy a la rescousse pour assurer les ambitions du rail qui se doit d’accompagner les grands enjeux de son temps, un temps qui court vite et qui manque d’air.
C’est que la profession est en crise de vocation.
Déboutée du fameux statut qui lui rendait justice, la Carrière fait la mine : horaires décalés, tournées de 24H et intransigeance sur les compétences sécu, perfusées dans des formations techniques de 12 mois, sans garantie de succès. Et seule la moitié de ces cigales qui ont déchanté tout l’été finiront tout de même par danser. La Claquette3 à Rothau et la Rumba dans l’Aar.
La Passion après le chemin de croix, cette profession est un sacerdoce sans confessionnal, quoiqu’enfermé tout seul 2H30 dans la cabine d’un Strasbourg-Epinal, on a le temps de ressasser des images.
Et on prêche des reconvertis, on forme les Scouts à passer directement Pilote et il n’est plus rare de croiser des Novices descendre de mobylette pour conduire Régiolis, l’anecdote ultime est d’avoir un conducteur qui ‘tire' un 9 caisses sans même avoir le permis auto !
Toutes les générations communient au Caté de la caténaire, sans soutane mais dès l’Aube : Alternants en courant continu, Trentenaires du quaternaire, et des Quinquas à qui il reste du ressort et sommés de rebondir par Pôle Emploi.
C’est qu’on n’était plus tellement habitué à la tempe grise où les embarqués sont plus vieux que les débarqués, dans l'Institution la retraite se prenait à l’heure ou l’on a travaillé toute sa vie : aux aurores.
Ces revenants-là ne deviendront pas des errants, ces cheminots partis bien trop tôt faire de la voile avec la dernière Vapeur. Et qui, devenus veuf sans plus personne à qui vendre les mérites du diesel et du charbon, errent dans les gares secondaires et trouvent quelque audience dans les trains, où les accueillent des voyageurs compatissants dans un grommellement, comme pour invoquer une ancestrale divinité susceptible de les rappeler à elle.
Ils finissent par trouver refuge dans les postes d’aiguillage mécaniques dans un décor de moulin à café sans se rendre compte que les collègues tournent depuis belle lurette à la Senseo.
Le Rail c’est l’avenir. Le métier va s’assouplir à se contorsionner et devoir jongler avec l’infrastructure et la règlementation.
Et même si on rallonge la soupe dans les vieux pots, une jeunesse débrouillarde et aventurière saura forcément trouver la Foi.
L'Alchimiste.
notes de comprehension
1 Pass Carmillon : badge d'identification du cheminot
2 ICE : TGV allemand (Siemens)
3 nom du Lieu-dit du découcher de la gare de Rothau (Vosges)