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(RE)POST

 

Sur un air de Carmagnole, l’échos des pas, le train s’est tu

  • Photo du rédacteur: Patrice Snoeck
    Patrice Snoeck
  • 21 sept.
  • 6 min de lecture
Le journal d'un chef de Bord qui mène une vie de Voyageur de commerce en faisant Commerce de voyageurs.
Le journal d'un chef de Bord qui mène une vie de Voyageur de commerce en faisant Commerce de voyageurs.

De retour d’une petite semaine de vacances pour se réparer des trains de vacanciers et se préparer psychologiquement aux trains de Noël, une vraie GPT (Grande Période de Travail) de 5 jours, vous direz, ce que fait le commun des mortels mais dans le cas présent, cela représente 20 trains, et pas n’importe lesquels, les trains du soir, ceux qui concentrent les derniers espoirs ou les dernières errances, en plus de 26km de marche d’après le prompteur.


Un mardi, veille de mouvement social,


Aujourd’hui, une tournée du REME, le métro du train, et déjà le premier aller-retour s’annule quand le conducteur découvre que quelqu’un s’est soulagé dans le train… acte sans vergogne mais pas sans conséquences et qui conduit à devoir remiser la rame le temps d’envoyer une équipe de nettoyage qui va devoir s’y décoller.

Honni soit qui mal y pense, on mettra ça sur le compte d’un tagueur qui traine dans les voies de garage la nuit, sans autre voile de suspicion qui n’est pas encore un sopalin.


Le second aller retour sera dans 3 heures à attendre dans des locaux désertés et par endroit bâchés, le temps de travaux des commerces en gare qui nécessitent le percement d’évacuations et le déménagement de tous les services.

C’est triste à mourir et donne l’impression d’être redevenu ce free-lance qui viendrait chercher de l’énergie -à défaut de synergie- dans un espace de coworking.

Mais on nous promet une belle transformation de la gare dans je ne sais encore quelles odeurs de graillon. Je dois dire pour autant que l’aile Nord est plutôt réussie et le salon de l’Empereur se refait une beauté pour une autre Empereur, celui du macaron, qui n’est pas un Michelin.


Le deux derniers trains se font à vide compte tenu de l’horaire ; au moins les week end, ce train embarque les Mado-la-niçoise et toutes ses copines de panier à salade, qui pour une fois ne sont pas des sardines qui assurent une forme de spectacle. Cette première journée aura donc été triste jusqu’au bout et on s’efforcera de l’oublier.


Un mercredi jour de grève


Je ne suis pas impacté sauf à me tasser dans un bus pour me rendre assez tardivement à la gare puisque mes trains roulent davantage que les bus et les trams, et pour cause, nos rails ne passent pas par les avenues où défilent les cortèges, et qu’à contrario chez nous, il suffit qu’un seul type cavale sur les voies pour que tous les trains s’arrêtent.


Mon premier train me conduit à Bâle aux heures de pointe et les voyageurs sont néanmoins présents en nombre dans le train. Un jeune homme qui a un billet de TGV et à qui je dis qu’il n’a pas à emprunter ce TER avec le sempiternel « même opérateur, mais pas même organisateur » monte sur ses ergots car il voyage beaucoup et qu’il fait toujours comme cela. Comme les trains roulent quasi tous, pas de circonstance atténuante et j’insiste. Il trouve forcément que je lui parle mal, comme tous ceux qui sont pris en flag’ dans le pot de confiture, je lui suggère de mettre un terme à sa conversation téléphonique et d’enlever ses écouteurs pour se rendre compte que je lui parle tout à fait normalement.


Plus tard, toujours un autre jeune homme qui ne trouve pas sa carte de réduction et qui me rétorque qu’il se demande quel intérêt il aurait à frauder une carte qui vaut 1€ en sera pour 50, non sans discussion après m’avoir montré une vague attestation périmée.

Il me fait savoir que la France s’embrase pendant que j’ose le contraindre à contribuer au remboursement anticipé de la dette, lui, un pauvre étudiant me toise d’un regard qui semble s’interroger sur la nature de l’impasse professionnelle qui m’a conduit à faire ce boulot. Autre situation, même pot de confiture.

Ah, tiens au fait, j’aime plutôt faire ce boulot.


Les deux derniers trains ne seront pas contrôlés car le collègue en doublon règlementaire a été réaffecté. Pour autant, ils sont plutôt calme et la scène de fin est plutôt drôle.



Lorsque les passagers ont la vision des collèges de la Sûreté ferroviaire qui patientent sur le quai à notre arrivée, venus simplement fermer la gare derrière nous et palier aux problèmes que j’aurai pu rencontrer, la moitié des passagers courent vers l’avant du train comme si celui ci avait freiné si brutalement que sa cargaison s’en serait trouvée projeté vers la cabine de conduite à la vitesse de la lumière.


L’escalier Nord sera bondé ce soir là et je termine mon service en descendant tout tranquillement par le Sud, sous bonne escorte.


Un jeudi lendemain de grève, mais qui chante toujours pas.

  

Un jeune homme à qui la vie ne souriait plus a figé la gare de Sélestat le temps de l’empêcher de commettre l’irréparable, et un autre l’a prononcé en montant dans le train : ce monsieur est âgé et monte dans le train sans billet mais tend sa carte de crédit.

Se plaignant du tarif coercitif de ceux qui feignent de ne pas voir le contrôleur lorsqu’ils leur tient la porte, il m’inonde d’opinions politiques très tranchées pour justifier de sa bonne Foi, me reproche ma complicité avec « ces gens-là », dont il se trouve qu’un d’entre eux qu’heureusement il n’a pas pointé du doigt vient justement de régler un billet au même tarif.

Il me poursuit sur les quais lors de sa descente, brandissant un inhalateur à la main comme s’il s’agissait de la lance de Longinus, pour me reprocher mon manque de solidarité de couleur et de courtoisie d’avoir signifié de manière tout aussi tranchée la fin de ce pénible échange.


Dans cet autre train, une gamine habillé en Fée se voit saluée du Titre de Princesse.

Un petit malin qui ne joue pas son bouffon pour autant me présente un billet qui a été photographié au dessus de l’épaule de quelqu’un. Ils auront tous les deux des étoiles plein les yeux.


En gare de Mulhouse et en toute fin de service, un monsieur joue au foot avec sa gamine dans le hall de la gare et le ballon vient vers moi ; je le botte sans sourciller et n’y trouve rien à redire d’avoir tant dit et redit aux fumeurs, cyclistes et trottinetistes, et me contente d’un sourire en revoyant cette balle, mais ce sera la dernière fois de la journée que je feins d’apprécier les enfants.

  

Un vendredi rotules en grève


Fin de semaine difficile et je tire un peu la langue, cette langue que je me mords si souvent, et par chance je ne suis pas le seul contrôleur dans mes trains et le contrôle en équipe se déroule comme je l’aime, une vision du métier partagée, un échange souriant avec les passagers, et donc de la bienveillance et des informations pratiques.

Il manque un train à l’appel qu’on a croisé en rade et j’accueille des rescapés à Bâle qui devaient monter dans le train fantôme et qui leur vaudra de louper leur TGV, et de devoir regarder leur situation à la loupe.

Ils auraient du sortir à Mulhouse ou une scène d’embrassade sur le quai ressemble à s’y méprendre à un ST/Service-duTrain, cet ordre que l’agent au sol me télégraphie par un signe codé signifiant que toutes les portes sont bien fermées. Mais le contrôleur est un lynx qui distingue le nombre de doigts d’une main à 200 mètres, ce qui n’en fait pas un prédateur pour autant.

On décide de garder ces voyageurs atrainïdes jusqu’à Strasbourg pour les installer dans un autre TGV et sauver leur journée, en prévenant nos collègues de la Haute (vitesse).


Fin de service et fin de semaine mouvementées comme un mouvement social.

Un dernier crochet vers le contrôleur du TGV pour m’assurer du suivi de correspondance de mon voyageur pour qui tout s’est si bien arrangé, et qui me gratifie d’un large sourire. Enfin un… !


Je croise sur les quais une personne qui s’apprête à embarquer avec un Massacre de cerf… Nul de sait si cet imposant trophée de chasse doit être considéré comme une arme catégorisée. Il se trouve que le contrôleur occupé avec mes passagers ne semble pas l’avoir vu et je me prend à penser : comment va t-il régler ca ? c’est quoi le référentiel de procédure. Et puis M… chacun la sienne, j’ai décidément donné, en la matière, du début jusqu’à la fin.

Bientôt un nouveau récit des Tribulations du Tribun du Train.

L’Alchimiste #TTT



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À PROPOS

L'Alchimiste...
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Un pro de la communication basé à Strasbourg qui fait un tour de l'autre côté du miroir.

 

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