Sur un air de Mazurka, trois danseurs, le quai est leur scène
- Patrice Snoeck

- 14 sept.
- 4 min de lecture
Dernière mise à jour : 21 sept.

La GPT sera courte et c’est tant mieux, mais pas moins intense pour autant car m’attend un gros morceau : LE parisien, un TER de 5H au départ de Paris-Est sur lequel je me suis autrefois penché et épanché (lire ici), mais dont la charge s’est bien amenuisé depuis qu’il est à réservation obligatoire… quoique… mais ça c’est demain.
Un dimanche chez l’oncle Stan’
L’aller retour à Nancy est d’autant plus sympathique qu’il fait beau, qu’on est dimanche, que la campagne est belle et que le train est en règle ce qui m’apporte le contentement du respect des deniers publics et du travail fourni.
Le signal de l’approche de la gare est un bâtiment pure style (et pure jus) XIXe avec marqué sur le fronton « école d’accouchement » où sans doute d’anciennes tricoteuses faiseuses d’anges ont assagit de nouvelles générations de sages-femmes.
C’est d’ailleurs amusant qu’en face se trouve une caserne et du coup, on trouvera cocasse que la gare se trouve entre un endroit ou on apprend à pousser et un autre ou l’on append à tirer.
Le retour est quasi immédiat, et le train repart quasi à vide et le peu de voyageurs qui sont là n’ont pas fait le détour vers un distributeur de tickets, si bien que peu s’avèrent en règle.
Je verbalise coup sur coup deux femmes dont rien ne laissait supposer la grande précarité et qui me disent toutes les deux à quelques minutes d’intervalles qu’elle n’ont pas le choix, que c’est pour aller acheter à manger. Un dimanche, donc sans nul doute un macdo, lui aussi comble de la misère…
C’est l’envers de mon décor, cette déclaration qui m’ankylose soudainement les doigts… et je m’y reprends à plusieurs fois pour saisir les coordonnées et espérant au fond de moi ne pas avoir le temps de finaliser avant leur arrêt qui arrive. Pour que l’honneur soit sauf pour le « théâtre du train » mais que le temps ait juste manqué… Ma dextérité aura emporté ce match dont la grande dignité m’aura un instant ébranlé.
Un lundi ou tous ne seront pas servis
Supposé avoir dormi à Paris ou je serai arrivé la veille au soir, je décide de prendre l’ICE de midi, ce tgv allemand réputé avoir toujours un coup de froid, mais j’ai 4H devant moi pour être à Paris.
Le foyer-usine de Magenta aux 180 chambres est si déshumanisé que j’essaie quand c’est possible de m’en passer.
On y dort pourtant plutôt bien sur des matelas en pierre #thecroods et la salle commune, qui est actuellement en travaux, est pour l’heure tendue de bâches en plastique autour desquelles on se faufile comme des saucisses Morteau dans un dressing, et qui ne sont pas sans rappeler les attractions de labyrinthes fantôme de ma jeunesse, à la différence qu’ici il n’y a aucun risque de se prendre une main aux fesses.
J’ai bien fait de me pencher tôt sur les préparatifs de mon train : 450 réservations sur 600 places, en plus des abonnés qui vont se pointer dans une voiture non réservable laissée à leur usage, autant dire que le train sera plein.
Sera plein, oui, mais soudainement on me notifie la présence de deux voitures avariées dont une avec du jus mais pas en capacité pour autant d’accueillir des voyageurs. Donc 150 places de moins et surtout mon seul espace cargo pour les objets encombrants ou encore 1/3 de la capacité d’accueil des vélos à elle toute seule, crochets tous réservés !
Sueurs froides, mais coup de chaud.
Ni une ni deux, je demande à ce que la vente du train soit interrompue pour endiguer l’hémorragie.
A l’embarquement, par chance filtré, je renvoie les abonnés sans réservation qui s’arrêtent au premier arrêt dans le train suivant et règle les quelques cas particuliers, faute d’alternatives.
La voiture libre est réquisitionnée pour remplacer une des deux voitures manquantes et la voiture cargo sera utilisée pour stocker les vélos qui vont jusqu’au terminus et les voyageurs sont prévenus qu’elle est verrouillée avant départ et ne sera déverrouillée qu’à l’arrivée, ce qui arrange tout ceux qui flanquent là leur fourre-tout et n’ont pas à se soucier de le surveiller.
Ouf ! rondement mené.
Par chance j’ai la présence de deux renforts jusqu’à Nancy qui opéreront le contrôle tandis que je me concentrerai sur l’accueil et le dispatching de tous les voyageurs montant en gares intermédiaires, en déverrouillant et re-verrouillant derrière moi à chaque descente et multipliant les rondes après chaque arrêt pour palier à tout conflit et m’assurer du confort des passagers.
Je loue Thor, le Dieu de la caténaire et tout ce qu’il y a au dessus, de les avoir mis sur ma route et même pas dans mes pattes et de m’avoir aidé à fluidifier embarquement et vie à bord.
5H, c’est long, d’autant que l’indiscipline règne à descendre fumer à chaque arrêt en se tenant sur les marchepieds ou en bloquant la fermeture des portes, dans des gares ou parfois il n’y a aucun agent à quai pour siffler le danger.
Les contrôleurs ne sont toujours pas venus à bout du train à Nancy, et continuent de jouer du Cosmo, l'appareil de contrôle, notre Mjoollnir à nous, qui d’ailleurs fait son poids, mais ne revient toujours pas quand on le lance, puisqu’un des collègues s’est fait voler le sien par un voyageur qu’il venait de verbaliser… d’après un témoin de la scène qui était moins interloqué que le contrôleur lui-même.
Un certain nombre de passagers bénéficieront de ce coup du sort et l’interprèteront comme un blanc seing, doublement dommage.
Encore une journée à marquer d’une pierre blanche, de celles qu’on glisse dans sa poche avec son mouchoir par-dessus, pour rester de marbre, cette matière plus perméable et moins froide qu’elle ne parait.
Bientôt un nouveau récit des Tribulations du Tribun du Train.
L'Alchimiste #TTT


