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(RE)POST

 

Sur un air de jazz manouche, la chouette s'emballe, sourires et pleurs — signe des temps.

  • Photo du rédacteur: Patrice Snoeck
    Patrice Snoeck
  • 29 oct.
  • 7 min de lecture
Le journal d'un chef de Bord qui mène une vie de Voyageur de commerce en faisant Commerce de voyageurs.
Le journal d'un chef de Bord qui mène une vie de Voyageur de commerce en faisant Commerce de voyageurs.

La GPT dure quatre jours à zigzaguer entre l'Alsace et la Lorraine avec un passage dans la capitale, on amènera les mirabelles !

Et on en vu des vertes et des pas mures. Il y a eu des pleurs, des sourires, et même des larmes.

Le week end, c'est spécial, on se lâche, on se fâche, on se lasse aussi. Heureusement que ca ne dure que deux jours.


Jeudi éthique et des tocs


Dans la salle d’attente des contrôleurs, qui ressemble à une salle d’attente de dispensaire, les contrôleurs échangent quelques infos en attendant d’aller arracher des dents.

La parole étant désormais réglementée depuis que l’éthique s’en est mêlée, je ne parle plus pour ma part qu’en présence d’au moins trois collègues, pour disposer au moins d’un avocat si l’autre se transforme en procureur et demande systématiquement à tous de bien vouloir collationner qu’ils ont bien compris mes propos quand je m’aventure encore à faire une blague.

Votre serviteur, qui a la langue naturellement fourchue, se prend à s’autocensurer en tambouillant dans ce wok.


Mais rapidement, on quitte cette terre trop ferme pour aller sur les rails où, là au moins, on file forcément droit.

Dans le premier train vers Metz, le contrôle se passe sans difficulté ni surprise… comme cette dame qui se plaint du dysfonctionnement du distributeur de la gare et compte faire réclamation, que la machine lui a distribué un billet de la mauvaise journée avec la mauvaise réduction. Par chance, elle est sur la bonne ligne, à défaut de voyager dans le bon sens. Réaligner ses planètes, qui se sont aussi trompées de système solaire, lui en coûtera 50 euros.


Le train retour est très sympa et le quota de flashs est atteint par les pass Carmillon des collaborateurs du rail, qui, ayant choisi d’habiter un peu loin de leur gare d’affectation, se sont expatriés en masse dans le même coin autour de Sarrebourg, réfugiés là où le foncier est encore abordable, prévoyant qu'ils allaient partir à la retraite à cinquante deux ans avec une petite pension.

Désormais, ils peuvent fréquenter leurs collègues deux heures par jour et douze ans de plus.


Ce soir, on était supposé prendre un TGV et aller dormir à Paris, mais traverser le quartier de la gare du Nord passé 22 h avec une tenue de contrôleur flanquée d’un nœud papillon, c’est comme vivre la vie du papillon qui aurait suivi la lumière et confondu halogène et néon.


Vendredi à l’Est de l’Est


L’Est de l’Est, c’est pas l’EverEst., c’est Paris-Est !

J’arrive à Paris avec le ICE, l’Intercité allemand à grande vitesse fâché avec la pendule, même dans sa version pendulaire. Aujourd’hui, il est fiable et c’est tant mieux.

Le train de chez Siemens, le constructeur qui a aussi fabriqué mon lave-vaisselle, est tout aussi silencieux, en plus d’ouvrir automatiquement la porte quand il a fini son cycle.

J’affectionne le prendre, mais moins à l’heure du déjeuner, où la Bordgastronomie déferle son Mischbrot, ce jour où je viens moi-même manger mon pain noir.


Un moustique géant qu’on appelle la grande tipule a élu domicile sur le tableau de signalement de la présence du personnel ; c’est dire s’il fait bon vivre en Gare de l’Est.

Il fut, il n’y a pas si longtemps, une nymphe avant d’adopter cette ultime transformation à fin de se reproduire. Sur le tableau, il a choisi de s’accoupler avec le bouton du personnel du Matériel. Il aurait fait meilleure carrière à transporter le chikungunya qu’à investir sur des facilités de circulation.

Comme lui ne pique pas, ni ne prend le train, on lui laisse donc la vie.


Le train pour Paris est un TER à réservation dont l’embarquement se passe bien, compte tenu de la relative absence de vélos, qui laisse une place généreuse aux bagages volumineux des trains du vendredi, qui sentent la bouffe du jeudi et les nourrissons du mercredi.

Et ça va durer cinq heures non-stop, avec son lot de toxicos de la clope et de la vapote qui sortent sur le quai à chaque arrêt, et qu’on finira par menacer de les y abandonner.


Vingt minutes pour faire la ronde et dispatcher bagages, trottinettes et identifier à qui appartiennent les nourrissons abandonnés dans les intercirculations, et s’ils sont toujours en vie.

Des doudous divers parsèment les allées, allant de peluches Mickey géantes, y compris des Minnie, à des jouets pour chien en plastique, donc pour enfants baveurs ou ayant déjà fait leurs dents. L’un d’entre eux bave d’ailleurs particulièrement abondamment, à tel point que je soupçonne sa mère de l’avoir tasé.


Le train va se passer divinement bien, lui qui traîne la réputation de mettre à mal les sacerdoces.

Deux collègues de la lutte antifraude joueront les diacres pour m’aider à célébrer la messe et de l’appréhender de la manière la plus fluide, c’est-à-dire ressasser la bonne parole à toutes les ouialles à bord, qui hélas ne sont pas toutes tout-ouïes.

On se contentera de prélever la dîme sur quelques cartes périmées et le train échappera au purgatoire d’une descente en masse des forces de l’ordre.

Samedi lorrain sans quiche


Ce n’est pas parce que je distribue des prunes qu’on doit me secouer comme un prunier ; et me voilà en route pour les terres lorraines et mosellanes, où la ligne est tout aussi escarpée que le relief, et dire qu’on ne passe même pas par l’Alsace bossue.


Deux gars très avinés mais pas très en règle parlent une langue située quelque part entre l’Espéranto et le Bavaria, et refoulent, entre autres, leur frustration de ne pas se faire comprendre. J’appelle à la rescousse les forces de l’ordre qui, je l’espère, ne rebrousseront pas chemin devant ce refouloir.


En allant vers Nancy, un groupe de musiciens présente les billets plein tarif qu’a achetés leur tourneur, qui ne cherche pas à faire des économies.

Ils faisaient hier la première partie de Julien Doré à Strasbourg, qui fait sa seconde date à Nancy ce soir ; comme toutes les premières parties, ils ont des billets de seconde.

Ils sont sympas et un bref échange est l’occasion de se remémorer mon long passage chez Radio Nova, à produire quelques artistes et non des moindres, à une époque où je ne m’emmerdais pas à contrôler la billetterie.


Des documents d’identité sous toutes leurs formes possibles et surtout imaginables sont portés à ma connaissance et à bout de bras, mais mon Cosmo, qui porte si mal son nom, n’a pas assez voyagé pour les identifier.


Une fois de plus, la Sûreté ferroviaire est invitée à me rejoindre à Strasbourg, où des individus sans papiers ni langue n’ont rien livré au chat avant que le train ne reparte ; c’était quand même plus simple au Moyen Âge, quand on arrachait la réponse en faisant donner la Question.


Et on remonte à Metz en séisme magnitude quatre et autant de PV.

Russes, Géorgiens et Ukrainiens dans le même train mais toujours pas autour de la même table, et qui voyagent sans titre de transport, de séjour ou d’extradition seront donc logés à la même enseigne et au même tarif, sans la moindre chance d'infléchir ma position par quelque négociation.

Par chance, personne ne sait qui est qui, et je les renvoie tous dans leurs tranchées.


Dimanche sourires et peines


La nuit se passe à Metz dans un petit lit qui préfigure mon futur cercueil, si ce n’est que je n’aurai pas forcément choisi ce garnissage-là, ne désespérant pas de pouvoir dormir confortablement d’ici là.

Après un petit-déjeuner dans un foyer quasi désert, où l’on a à manger pour quatre, et ça tombe bien vu que ça doit tenir au corps jusqu’à seize heures, et après avoir regardé quelques infos pour tenter de se réconcilier avec le monde sans vraiment y parvenir, voici l’heure du premier train.


Rien à signaler, si ce n’est une présence policière qui a un effet anesthésiant au train.

L’anémie se dissipera à leur descente. J’aurais dû ramener le rab de viennoiseries.

L’appareil de contrôle ne veut pas reconnaître les pass Groupe de week-end, et c’est à se demander si la Lorraine ne s’est enfin décidée à faire sécession.

C’est pourtant l’Alsace, qui lui tourne le dos puisqu’elle regarde de l’autre côté du Rhin, réputée être l’enfant terrible de la grande région.


Après une courte pose à Strasbourg, on repart direction Nancy, et bientôt on accueille les challengers du Pouce d’Or, cette course de quarante-huit heures qui consiste pour un binôme d’étudiants à aller le plus loin possible en auto-stop ou en transports, sans bourse délier.

Ils sont grimés comme pour un bizutage, et ce doit être le mien, car à y bien réfléchir, je viens d’encourager la fraude du train, payée d’un sourire et d’une pancarte en carton.

Ça s’est déjà vu à vrai dire, mais ça ne s’était pas terminé pareil. Je les dépose à Nancy, et à l’heure, ils n’auront donc pas de pénalité et n’auront qu’à aller prendre les eaux à Vittel et Contrexéville et tester si les yeux doux fonctionnent auprès des concurrents.


Dernier train avec leur lot de transfuges du TGV que les agents de sols continuent de mettre dans nos TER comme des rabatteurs, et qui se feront attendre au coin du bois par des contrôleurs pour être canardés en battue.

Mais aujourd’hui, on sera cool, car la fleur qui vaut pour l’un crée un précédent pour l’autre et l’on finira avec un bouquet, la fleur au bout du fusil étant un concept ayant déjà fait ses preuves.


Un dernier moment d’émotion terminera la semaine quand une dame pleure en communiquant en langue des signes en Visio, et je m’autorise à échanger quelques signes avec elle pour m'enquérir de sa situation et savoir si elle a besoin d’une aide quelconque.

Rien de pire qu’être triste dans une prison de silence.


J’ai parlé à six cents personnes ; une douche d’oubli et une cure de silence choisie s’imposent à moi, et peut-être que le chat m’épargnera quelques miaulements qui seraient de trop.


Dans les vestiaires traîne une chaussette… c’est pas faute d’avoir dit aux collègues de ne jamais garder les trophées.


Deux jours devant soi, pour écrire la suite des aventures du Tribun du Train, le contrôleur qui a mis ses chaussettes d'hiver. L’Alchimiste #TTT

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À PROPOS

L'Alchimiste...
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Un pro de la communication basé à Strasbourg qui fait un tour de l'autre côté du miroir.

 

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