Saison 1 / Épisode #9
Le train est un double automoteur 73500 qui fonctionne avec des moteurs de camion et ruine tous les efforts respiratoires des personnes qui ont choisi les mobilités douces en plus de faire un boucan d’enfer.
Même s’ il n’y a pas corrélation entre le fait qu’on l’appelle un Suppo et qu’il soit tape cul, la machine a des allures de capsules spatiale prêt à débarquer quelques colons dans des contrées hostiles et toujours sans corrélation.
Aujourd’hui nous allons a Sarrebruck. La ligne est bucolique, c’est jour férié, il fait beau et le suppo est plein. Vélos, randonneurs, mamies en goguette et une équipe de scoutes et bivouac associé qui vont s’encastrer dans les deux voitures dont une privée de WC, en espérant que tout le monde arrive à bon port et au sec.
Mais le train n’est pas prêt à partir. La faute à un train de marchandise avec suspicion de “boite chaude“ devant nous, qui conduit le conducteur a arrêter nos bruyants moteurs en attendant des instructions, et froncer les sourcils comme pour partager d’un regard inquiet le fatalisme de notre situation.
Ce train qui nous fait ombrage sous ce cagnard a pignon sur rail, pignon qui menace de le lâcher et donc de le faire potentiellement dérailler. C’est que cet engrenage mal luné et surtout mal huilé pourrait faire capoter cette belle journée. 20 minutes seront nécessaires à lever le doute et permettre à la dite boîte de refroidir, tandis quand dans le suppo la température n’est fort heureusement jamais montée, à grand renfort de story telling, une story jouée clairement à l’impro, sur fond de gestion des correspondances qui elle, était plutôt bien huilée.
Bientôt les moteurs se rallument et la train s’engage sur son sillon, qui ne jouera plus aucune musique discordante que la partition du train. Chaque arrêt nous allège d’une typologie de clientèle comme si elle était liée à la géologie du terrain, confirmant au passage que les seniors descendent sur du plat. Bientôt nous resterons avec nos derniers baroudeurs, nos scoutes en kaki qui partagent avec le fruit du même nom d’appartenir à la famille des Ébénacées.
Eh bé? la dizaine de jeunes sans écrans ni filtres ont l’air intéressés d’être interessants et la conversation s’engage. Un dernier louveteau vient de franchir le cap Verts et ces éclaireurs sont sous la houlette de Rouges et d’un animateur. Tout ce petit monde sera bien plus tard sous une Hulotte qui elle appartient aussi à une branche et qu’ils finiront par détester.
J’apprends qu’ils partent camper trois jours à la belle étoile où ils apprendront à se gratter et apprécier la citronnelle ; ils ont encore largement le temps de savoir qu’elle soigne aussi les cas d'herpès, de mycoses et de champignons.
L’expérience est riche mais la vie vraiment spartiate. L’animatrice me confie qu’à un moment, il conviendra de raccrocher. Comme elle n’a pas dormi dans un vrai lit ni fait un repas convenable depuis des années, je l’oriente immédiatement vers le pôle RH de l'entreprise et lui vente les mérites des foyers Orféa, dont le nom sonne comme Morphée et qui conséquemment lui envoie grave du rêve.
Bientôt, on se quittera en échangeant notre palmarès des meilleures boites de thon en conserve et la convainquant d’essayer la nouvelle variété Légumes et Thon de Saupiquet avec orge épautre et poivrons que j’ai découvert dans un Coffret Assistance un jour de transbordement, et digne d’une ration de survie d’un occupant de l’ISS qui lui aussi plane à 15.000 pieds, mais carrément moins bien hydraté.
Leur descente est furieusement rocambolesque. Tandis que j’empêche la porte du train de scinder le groupe en deux, un package se vautre sur le quai en gravier de la gare. Une canette sous pression se perce et inonde tout ce petit monde, contrôleur compris. Un dernier goût de civilisation au parfum de… citronnelle.
L’Alchimiste, scoute d’un jour pour toujours, qui était Castor junior mais sans les Mickeys.