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Sur un air de Valse, soulever la semaine, maux en cascade - Catharsis - les mots soulagent

  • Photo du rédacteur: Patrice Snoeck
    Patrice Snoeck
  • il y a 16 heures
  • 9 min de lecture
Le journal d'un chef de Bord qui mène une vie de Voyageur de commerce en faisant commerce de voyageurs
Le journal d'un chef de Bord qui mène une vie de Voyageur de commerce en faisant commerce de voyageurs

Bon courage !

C’est maintenant comme ça que les collègues et ma famille me saluent alors qu’un « bonne journée » aurait amplement suffi.

Difficile de ne pas prendre ça pour un présage, d’autant qu’il va falloir s’en armer, sans coup férir, sans coup de semonce, et probablement sans coup de filet.


mardi à la peine


Dans le premier train omnibus, trois individus que j’ai déjà repérés pour avoir improvisé un open bar dégagent une certaine présence dans le train, et à l’adresse de qui — pourvu qu’ils en aient une — je décide de ne pas faire un procès d’intention.

Ils doivent fêter quelque chose de réjouissant comme une liberté conditionnelle ou une remise de peine, et l’état d’ivresse de joie n’est pas répréhensible après tout, contrairement à l’état d’ébriété qui, lui, l’est.

Ils me promettent de se rassembler et de baisser d’un ton. Ce serait mieux de deux.


Au contrôle, l’un me déclare oralement son identité parsemée d’excuses, un autre sort un passeport dans d’interminables élucubrations, et le dernier une carte d'identité non sans rechigner, semblant vouloir gagner du temps pour descendre au prochain arrêt.

Ils disent sortir de prison documents à l’appui, ils sont dans un joyeux délire, ils ont envie de jouer, mais j’ai le delirium très mince.

Les levées d’écrou, c’est sortir du registre pénitentiaire pour entrer dans le mien, celui du gars qui punit sans peine mais pas sans conséquence pour autant.

Et qui concernant le comportement dans le train serre aussi la vis.


Sur les trois, proportion habituelle : un sous psychoactif, un sous psychotrope et le dernier sous neuroleptique d’après le regard… à moins que ce ne soit une cataracte.

Et évidemment, tous les trois avec des regards à jouer aux couteaux de cuisine : l’économe, celui avec des dents pour le dernier, qui ne me dévisage pas à l’économie.

J’éviterai donc d’être psychorigide.


Ils entament un jeu dangereux et me font savoir que le premier m’a donné une fausse identité ; devant mon empressement à abréger cette pénible conversation que je souhaite conclure d’un PV, donc un nouveau procès et pas uniquement verbal, ils me menacent d’une bagarre sur le quai si je convoque les forces de l’ordre.

Dont acte. Le terminus est dans cinq minutes. Ni une ni deux, je leur tourne le dos, j’embarque avec moi les voyageurs présents et je change de voiture.

On arrive en gare terminus, généralement déserte, et je pense à tous ces voyageurs qui, eux, ne pourront se réfugier nulle part, pour peu qu’ils veuillent calmer mes rougeurs de m’avoir trouvé irritable.


Évidemment, le numéro d’urgence de mon portable ne fonctionne pas comme le dysfonctionnement de trop et j’appelle au secours le centre de gestion opérationnelle, qui prend la mesure de la situation, que même moi je peine à qualifier. J’imagine que la peur s’entend dans ma voix.

Pour une fois, j’en mène pas large — et pas beaucoup plus long non plus : 500 mètres exactement, avant notre arrivée.


Fort heureusement, il y a du monde sur le quai et je ne vois pas les individus descendre pour ne pas m’être précipité dehors le premier. La police arrive dans un temps record, ce doit être une brigade volante ; elle connaît les trois individus et leurs antécédents psychiatriques d’un des trois, que je visualise sans peine.

Ce n’était donc pas une cataracte qui a failli dégénérer cascade.


Le train repart non sans avoir reçu des appels de la chaîne de commandement pour savoir si je me sens en mesure de la battre, et me remplacer pour quelques suites qui pourraient être judiciaires ou psychologiques.

Je me rends compte, en repartant quasi immédiatement dans le sens inverse, que cet incident que je pensais relativement anodin m’a pour le moins miné, car je rate plus d’une fois le départ du train à l’horaire, occupé à refaire le film sur les quais, imaginer comment ca aurait pu se terminer et s’il y aurait eu lieu de procéder autrement. J’aurai peut-être gagné du temps à m’autoriser un bon vieux délit de faciès.


Le retour est néanmoins fort sympathique et me remet d’aplomb  : la discussion s’engage avec les voyageurs dans un capharnaüm de vélos et trottinettes, digne d’une chorégraphie de Gangnam Style, dont le hasard veut que l'interprête s’appelle aussi Psy.


Je saute dans le train pour Saint-Dié-des-Vosges, qui est très plein, et en reviens dans un autre qui est très vide.

C’est le propre des Vosges de se la péter à se prendre pour des montagnes.


mercredi pilori


La tournée prévoit de faire un aller-retour à Metz en Régiolis et d’aller dormir à Colmar ; autant dire faire un saut dans l’ancienne capitale d’Austrasie et finir en Extasie.


Dans le premier train, un homme en désordre apparent était, semble-t-il, déjà présent depuis le train précédent, pour m’avoir été décrit par le collègue qui me l’a cédé.

Il roule son stock de clopes comme la plupart des éclopés par la vie, sans billet et sûrement sans destination, comme ces jours d’hiver où les désœuvrés restent au chaud dans les trains parce que quelque chose défile par la fenêtre et qu’on ne peut pas se défiler.

Il dit descendre dans deux arrêts et, évidemment, pas le temps — ni forcément l’envie — de m’en prendre à lui ou de le faire extraire du train, d’autant que je le trouve très agité, comme ces grenades sans goupille et donc déjà amorcées, et l’on se gardera bien d’allumer cette mèche éméchée d’une parole incendiaire.


Je passe mon chemin mais pas l’éponge après m’être assuré qu’il ne présente ni gêne ni danger pour personne, et le retrouve après l’arrêt qu’il m’avait indiqué.

Je fais plusieurs demandes de renfort de personnel en Kevlar qui restent sans effet mais pas sans prestance, me demandant plusieurs fois si un personnel en blouse blanche ne serait pas plus adapté, et je décide de garder l’homme au chaud jusqu’au terminus, voire de le ramener pourvu qu’il se tienne, l’empêchant au passage de descendre dans une des gares suivantes situées au milieu de nulle part, d’où il projette de rebrousser chemin à pied.


Le train va s’arrêter plusieurs fois en pleine voie en raison d’une panne de passages à niveau, et les passagers sont informés en temps réel, m’étant coordonné avec le conducteur et son chef d’équipe, qui a bien choisi sa journée pour réviser ses process.

On se penche sur les correspondances des occupants puisque le retard s’accumule jusqu’à dévorer le battement que le train avait à Metz avant de repartir à tirer l’aile, et sans papillonner.

C’est donc un aller-retour non-stop que je vais faire en compagnie de ma grenade, qui va progressivement se liquéfier façon nitro.


Et la situation ne va pas s’arranger, car les retards et arrêts en pleine voie vont se multiplier.

Dans le train, une vingtaine de personnes pour qui je demanderai un ravitaillement de bouteilles d’eau à Saverne, connue pour avoir apprivoisé l’eau et donc savoir endiguer — et destination cible de ma grenade.


Les passagers font montre d’une grande patience, aidée forcément par des accessoires électroniques en tout genre, avec ou sans clavier, pour occuper leurs oreilles et leurs doigts.

Passagers auprès de qui je manifeste une présence sportive sur les 110 mètres du train, mais sans haies. Ils ne me haïront pas plus pour autant.


Ça sent la cigarette autour de mon bonhomme qui a fini par s’en griller une et donc se faire griller. Je le sermonne sans le fumer ; il trépigne et fait les cents pas, il se met à chanter, je dois composer alors que j’ai envie de me décomposer.

Une conversation décousue s’engage que je chope par bribes : on cause en Morse mais sans les dents. Ça va durer une heure.

J’apprends de lui qu’il a été renversé par une voiture il y a quelques jours et qu’il met des heures à mettre des noms sur tous les spécialistes auprès desquels on l’envoie. J’aurai besoin d’un bon migrainologue lorsque arrive enfin Saverne et les bouteilles d’eau.


L’homme descend : j’ai fini par le trouver gentil. Et 1h20 de retard et quatre heures pour se rendre à 15 minutes de Strasbourg semble être le moindre de ses maux. M’en voilà libéré : il m’a vanné à en déborder.

Dégâts des zoos des trains — heureusement pas toutes ces poudrières comme on veut trop systématiquement les qualifier.


Une chambre d’hôtel est organisée pour une jeune fille qui a tout manqué, sauf de patience. J’espère qu’il ne s’agira pas d’un de ces hôtels de passes qui fleurissent dans les quartiers gare et accueillent une clientèle elle-même fleur de pavés.

On retrouve la plupart des voyageurs dans le tram et on se salue à nos stations respectives, sans rancune. Et ça fait du bien.

Ils ont compris que je suis exactement dans la même galère, à la différence et pas la moindre d’être toujours payé.


Je n’irai pas à Colmar : mon train est également parti sans moi.

jeudi poids plume


Mon retour de découcher est la queue de cette même comète prophétique qui s’est attardée dans mon ciel.

Un aller-retour à Bâle supprimé pour raison de retards successifs sur la ligne qui a raison de la fluidité du trafic.

Aïe aïe aïe. Un train heure de pointe j'ai peine pour les usagers et reste à dispo au calme dans un canapé. Où des collègues en transit et parfois même en digestion me raconteront leurs propres déconvenues et il se confirme qu’un déboire s’avère saoulant.


vendredi poids lourd


La salle des écritures est un sit-in syndical avec des petits gâteaux.

C’était plus drôle en Bed-in avec cette emmerdeuse de Yoko Ono. Mais personne ici ne sera accablé d’avoir provoqué la moindre dissolution.


Dans le Régiolis pour Nancy, on me montre une photo de cimetière avec l’inscription funéraire sur une sépulture pour attester d’une filiation d’identité et du désespoir de n’avoir pas de titre de transport.

C’est mon premier relevé d’identité sur pierre tombale et je reste de marbre. Il ne se serait de toute façon pas envolé même s’il s’était agit d’un columbarium.


Je passe deux heures à Nancy où les collègues sont des habitués à faire des bises et à prendre en grippe donc je repars dare-dare sans avoir été piqué vers Strasbourg, puis Metz.


Les deux trains sont si pleins que je finis par me mélanger du crayon au contrôle : savoir quelle carte j’ai vue, si j’ai déjà contrôlé tel ou tel voyageur… Je décide donc de marquer une pause après avoir parlé à des milliers de personnes, température ressentie. Verdict plus tard de l’appareil de contrôle : journée à 600 flashs et toujours pas aveugle.


Un voyageur à qui je demande de présenter sa carte Simplicité du côté de la photo — puisque c’est l’usage réglementaire — me rétorque vertement qu’on ferait mieux de faire rouler les trains à l’heure que d’emmerder les clients avec des histoires de photos.

Comme il paie moins de 30 % du prix de son transport subventionné, en plus de s’installer en première avec un abonnement de seconde, je retoque donc rétorque que mon unique Client, c’est la Région Grand Est, et que lui est plutôt l’usager.

Néanmoins, comme il est électeur, il est donc lui aussi le client de la Région.

Le litige commercial de cette relation tripartite s’arrête là, devant sa photo qui lui est également défavorable, de seconde qualité mais de première impression.

Comme quoi on sait faire des choses bien.


Je fais la connaissance du titulaire du train qui me ramène à la maison, peu aguerri au matériel Corail qui est ma seconde maison ce qui ne fait pas de moi une Saint-Jacques, et l’entraide se met en marche comme dans tout pèlerinage où plus personne ne composte.


On rapatrie tout le personnel roulant dans une ambiance de battue en retraite, qui est toujours un sujet sensible, compte tenu que toutes les circulations seront interrompues ce week-end en raison de travaux conséquents sur la ligne.

Répondre aux nombreuses interrogations des voyageurs sera prédominant à les contrôler — ce qui, au passage, sert aussi à cela.


Un jeune homme s’est trompé de sens et l’absence d’options de retour m’inquiète un peu, d’autant qu’il est démuni, sans personne à appeler, et que la gare de Strasbourg ferme la nuit. Il m’occasionne un certain malaise, mais il est majeur, et mon rôle s’arrête aussi là.


Samedi croissanterie


On est tôt le matin, dans ces ambiances toutes particulières de gare où les destins croisés croisent les destins brisés.

Dernière ligne droite d’une semaine qui a zigzagué entre Nancy et Metz et joué les montagnes russes partout ailleurs, avec un peu de REME qui me mènera à Mommenheim, un nœud ferroviaire pas inextricable mais pas très coulant pour autant, puisque les trains ne vont pas plus loin ce week-end sur la ligne Paris–Nancy ou Metz.


C’est marrant de voir toutes ces RRR à quai dans ce terminus improvisé, que des tagueurs ont raflé à la vigilance des patrouilleurs.

On se croirait à NYC dans les 80s, et moi qui ai donné des conférences sur l’Artivisme, j’affirme qu’aucun Basquiat ne traîne entre Saverne et Sélestat.

En plus, ils sont assez cons pour signer de leur blase et publier sur les réseaux sociaux. On leur fournira plus tard un tampon Jex à les en blaser.


Deux heures d’attente à Mommenheim et c’est limite à toquer chez des gens pour demander l’asile calorique, et profiter de la trêve de Noël, qui en cette période sent le sapin.

Un boulanger que tous avons repéré en ville voit débouler des mecs en uniforme qu’il a un instant pris pour des flics. Et l’on croise les équipes conducteur–contrôleur sur le chemin au gré des départs et des arrivées, à s’échanger des conseils sur les viennoiseries.


Les gens me toisent en se demandant ce que le contrôleur a dans la tête, et le contrôleur se pose la même question, sans même avoir encore regardé l’indigence des stories qui défilent sous ses yeux et qui l’abêtissent de jour en jour, tout comme leurs enfants.


On en restera sur cette note positive, et l’idée d’un papier spécial sur la nature de ce que le contrôleur voit au-dessus des épaules me vient soudainement — et ça ne fera clairement pas de moi un haltérophile.

L’Alchimiste@TTT, qui cette semaine a soulevé du poids, y compris le vôtre.

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À PROPOS

L'Alchimiste...
est dans ton train

 

Un pro de la communication basé à Strasbourg qui fait un tour de l'autre côté du miroir.

 

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